Pour faciliter l'entrée et la
sortie des paquebots qui font un
service régulier entre Port-Vendres et l'Algérie, un phare a été construit
sur le versoir du môle édifié en vue d'abriter ce port contre la grosse mer
du large.
A raison des circonstances locales, cette construction rencontrait des
difficultés et des sujétions exceptionnelles.
D'une part, on
devait se prémunir contre les conséquences du tassement certain des fondations
du môle, lesquelles sont établies sur blocs artificiels, suivant le mode le
plus souvent adopté dans la Méditerranée. D'autre part, il fallait disposer
l'édifice de manière à loger le gardien du feu et à résister, en outre, à
toute la violence des lames, car le parapet du môle ne surmonte le niveau des
basses mers que d'une hauteur de 4 mètres, hauteur tout à fait
insuffisante, dans les gros temps, pour empêcher les lames de franchir
l'ouvrage et permettre d'accéder au phare.
Dans ces conditions, l'Administration a renoncé à construire l'édifice
en maçonnerie et prescrit d'élever le feu, ainsi que le logement de son
gardien, sur une charpente métallique, à une hauteur telle, au-dessus de la
mer, qu'on n'ait plus à redouter ses efforts pour la stabilité de la
construction ou la sécurité du service.
Des considérations
analogues ont conduit à adopter la même solution en France et à l'Étranger,
notamment au phare en mer de Walde, près Calais. Dans les constructions de
cette nature, on a constitué la charpente métallique avec des montants inclinés,
en fers pleins et ronds, reliés à l'aide de tirants munis de ridoirs. Mais
l'expérience a prouvé que, sous l'influence des lames et des vibrations
qu'elles déterminent, ces tirants se détendent et cessent de remplir leur rôle.
L'entretien des vis et des écrous et le maintien du serrage à la tension
voulue paraissent, en outre, à peu près impraticables. Il n'est pas démontré
d'ailleurs que, sous l'action du choc des lames, cet entretoisement se comporte
comme à l'état statique et qu'il procure la consolidation qu'on a en vue.
Par contre, ses effets nuisibles sont évidents, puisque l'on constate qu'il
retient des herbes marines et qu'il contribue ainsi à augmenter notablement
l'action de la mer sur la charpente.
On a jugé ainsi qu'il y avait avantage à constituer les montants avec des fers tubulaires que l'industrie fabrique maintenant sur des grandes dimensions. Ces fers laminés et soudés à chaud sur mandrin, suivant une génératrice de cylindre, possèdent, à égalité de poids, un moment d'inertie de beaucoup plus considérable que celui des fers ronds et pleins. Ils s'assemblent facilement et promptement bout à bout, à l'aide de manchons à.vis, et leur assemblage ne diminue pas leur résistance, à la condition de disposer en saillie le filetage des vis. Ils sont donc particulièrement appropriés aux constructions faites à la mer, et l'emploi qui en a été déjà fait dans l'établissement de quelques balises a démontré tous leurs avantages, malgré leur prix de revient relativement élevé.
On a donc établi l'édifice sur six montants en fer
tubulaire de l4m,50 de longueur, disposés suivant les sommets d'un hexagone
régulier de 2m,20 de côté ( fig. 146, 147). Chacun de ces montants est formé de trois parties. La partie
inférieure,
qui a 0m,30 de diamètre extérieur, et 0m,03 d'épaisseur, est encastrée
sur 2 mètres dans un massif de maçonnerie et s'assemble à l'aide d'un manchon avec la partie moyenne, qui a le
même diamètre et une épaisseur calculée sur sa résistance. La partie supérieure
est vissée sur la partie moyenne et assemblée à ses deux extrémités avec
les planchers métalliques de la plate-forme et de la chambre de service. Les
parois de celle-ci sont formées avec des tôles qui complètent
l'entretoisement de la charpente et qui sont revêtues, à l'intérieur, avec de
la menuiserie. Le plafond et le parquet sont également en bois.
Pour accéder
à la chambre et à la lanterne, on a installé un escalier à vis, avec noyau
en fer tubulaire. Les
contremarches, en fonte évidée, sont mobiles autour de
ce noyau et reposent chacune sur quatre tenons, qui permettent de les faire
tourner facilement, sans que le poids des contre-marches supérieures fasse
obstacle
au mouvement. Les marches et la rampe sont démontables ; on peut, par suite, dès
que le temps devient menaçant, les enlever rapidement et orienter toutes les
contre-marches, suivant la direction des lames, de façon à supprimer, à peu
près complètement, la prise que la mer pourrait avoir sur l'escalier. Dans ces
circonstances, les contre-marches forment une échelle verticale, qui permet
encore l'accès de la chambre et de la lanterne.
Les
dispositions sont prises pour que le gardien puisse rester sans communication
avec la terre, pendant les gros temps et assurer le service du feu, quoi qu'il
arrive. Depuis quatre années environ, le phare a régulièrement fonctionné et
sans accident sérieux, malgré les tempêtes d'une violence exceptionnelle, qui
ont sévi pendant l'hiver 1887-1888. Elles
ont causé de grosses avaries au môle, enlevé son parapet aux abords du phare,
et projeté des moellons jusque sur la plate-forme de l'édifice, à 18 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Les gros embruns ont recouvert fréquemment la lanterne, éteint le feu de la
cheminée du gardien et brisé les glaces de sa chambre. Les paquets de mer
ont même atteint le plancher, ainsi que les parois de cette chambre, et imprimé
de fortes oscillations à l'édifice. Néanmoins, ni la