Dans son ouvrage " Traité des ports de mer" P Berthot nous décrit le phare du planier. Ecrit dans les années 1875, cet article est l'occasion de mieux faire connaissance avec ce bâtiment.
Phare du Planier
A 8 milles au S.O., de l'entrée du port de Marseille, se trouve un massif de roches sous-marines qui émerge en un seul point pour former l'îlot de Planier. Cet îlot, de 200 mètres de long dans la direction E.O. sur 100 mètres de large, est entièrement rocheux. Sa surface est plate ; le point le plus élevé du sol n'est qu'à 4,50m en contre-haut de la haute mer. Dans les fortes houles du S.E. du Sud et à l'Ouest, les lames couvrent l'île jusqu'aux abords du phare actuel.
Les bords de l'îlot sont accores, mais ils présentent plusieurs petites criques dans lesquelles on peut aborder, quand le temps n'est pas mauvais, en choisissant celle qui est sous le vent. Toutefois, elles ont très peu d'étendue et ne présentent guère que 1 mètre à 2 mètres de fond ;on ne peut donc y entrer qu'avec des bateaux de petites dimensions.
La roche qui constitue le sol de Planier est un calcaire compact de couleur brun clair ; elle est à nu sur toute l'étendue de l'îlot. Mais les bancs de la surface, par suite des dislocations qu'ils ont subies, sont mal gisants, fracturés, et ne présentent pas un fond solide pour les constructions d'un monument important.
Cet îlot se trouvant à l'entrée de la baie de Marseille, il a fallu de tout temps le signaler aux navigateurs. Une vieille tour, située sur la côte Est, servait anciennement à cet usage.
En 1829, on jugea nécessaire d'établir à Planier un phare de grand atterrage, et on y construisit, dans la partie Ouest, une tour sur laquelle on installa un phare de premier ordre, à éclipses de 30 en 30 secondes, dont le foyer était à 36 mètres au-dessus du sol et 40 mètres au-dessus des basses mers.
Mais depuis que la fréquentation du port de Marseille a pris un très grand développement, depuis surtout que l'emploi de la vapeur a donné aux navires une marche plus rapide, on a reconnu la nécessité d'indiquer les approches de ce port d'une manière qui ne permit, ni l'erreur, ni même l'hésitation, et qui les signala à plus grande distance et pendant une plus grande partie de l'année. On a, en conséquence, décidé que l'on placerait sur l'îlot de Planier un feu scintillant, faisant succéder un éclat rouge à trois éclats blancs et dont la portée lumineuse serait de 23,4 milles marins (42,869 mètres) pour les 17/18 de l'année, et, avec une exception de 1/18 (20 nuits).
Pour obtenir cette portée bien supérieure à celle de l'ancien feu, qui n'était, dans les mêmes conditions atmosphériques que 15,3 milles marins (28030 mètres), il fallait augmenter l'intensité lumineuse du foyer ainsi que la hauteur et la portée géographique du phare ; on a remplacé l'éclairage à l'huile par la lumière électrique, et on a élevé, de 40 mètres à 63,469 m, la hauteur du foyer au-dessus des basses mers.
La tour existante n'était pas assez élevée et n'avait pas été construite de manière à recevoir un surhaussement.
On a donc pris le pris le parti d'en construire une nouvelle un peu plus loin ainsi qu'un bâtiment spécial, pour recevoir les machines.
La nouvelle tour est une tour cylindrique ; elle est construite en maçonnerie de moellons, hourdés en mortier de chaux hydraulique du Teil et de sable non salé de Riou. La pierre de taille n'est employée que pour le revêtement du soubassement, ainsi que pour la corniche, la murette et le couronnement. Le parement du fût est rejointoyé en Portland. L'escalier est en pierres de taille ; mais le parement de la cage est simplement revêtu d'un enduit en ciment de la Valentine.
Les moellons ont été pris, partie sur l'île, partie sur le continent ; ces derniers viennent des carrières des Catalans. Les pierres de taille proviennent des bancs, dits plombés, des carrières de Cassis.
Le soubassement repose sur une plate-forme de fondation qui est arasée à 4,45m au-dessus de la basse mer ; la hauteur du soubassement est de 8,60m. Le seuil de la porte est à 1 mètre au-dessus de la plate-forme et de plain-pied avec un passage extérieur circulaire de 0,90m de largeur. La hauteur du fût est de 42,08m, celle du couronnement de 5,45m ; le foyer se trouve ainsi à 59,019m au-dessus de la plate-forme de fondation.
Les rayons des sections circulaires horizontales de la tour sont : 3,35m au sommet du fût, 4,40m à la base et 6,90m à la base du soubassement. Le vide intérieur, formant la cage de l'escalier, est un cylindre de 4 mètres de diamètre. Il est éclairé au moyen de vingt-cinq fenêtres échelonnées en hélice sur la hauteur du fût. L'escalier en pierre a 0,80m de largeur et s'arrête à la deux cent cinquante-quatrième marche ; il est prolongé par un escalier en fer de seize marches, réduites à 0,60m : c'est ce dernier qui traverse la voûte sur laquelle est établi le plancher de la chambre de service, à 49,08m de hauteur au-dessus du seuil de la porte d'entrée.
Cette chambre est éclairée par quatre fenêtres percées entre les consoles du couronnement et orientées, ainsi que celles de la tour, suivant les quatre points cardinaux. Un deuxième escalier en fer, de vingt et une marches, conduit, à travers la voûte, à la chambre de la lanterne, contenue dans une petite tourelle en pierre de 2 mètres de hauteur, qui en forme le soubassement et surmonte le couronnement du phare.
La lanterne métallique a 4 mètres de diamètre intérieur.
Le phare est protégé par un paratonnerre.
Pour distinguer ce phare des autres phares, on a donné au nouvel appareil le caractère d'un feu scintillant à trois éclats blancs et un éclat rouge et on a employé la lumière électrique qui est très favorable à ce genre d'éclairage.
Le système optique, destiné à remplir ce nouveau caractère se compose d'un appareil dioptrique de feu fixe, 0,60m de diamètre intérieur, entouré d'un tambour mobile de lentilles verticales comprenant six groupes de quatre lentilles, dont une rouge et trois blanches, effectuant sa révolution en quatre-vingt-dix secondes. Les lentilles destinées à produire l'éclat rouge embrassent 30 degrés ; celles qui donnent les éclats blancs n'embrassent chacune que 10 degrés. Il en résulte entre les éclats blancs des intervalles égaux de deux secondes et demie, et entre chaque éclat rouge et les éclats blancs voisins un intervalle de cinq secondes.
La machine qui produit la rotation régulière du tambour est logée dans le socle de l'appareil.
Le poids moteur est d'environ 150 kilogrammes ; il descend dans une cheminée ménagée dans la maçonnerie de la tour, et sa chute est d'environ 0,90m par heure.
Les appareils pour la production de l'électricité sont en double ; ils forment deux groupes distincts, installés dans un bâtiment spécial et disposés de telle sorte que l'une quelconque des machines à vapeur puisse actionner immédiatement l'une ou l'autre des machines magnéto-électriques.
Les machines à vapeur sont horizontales, à détente variable et à condensation à surface ; elles sont munies chacune d'une chaudière et forment deux appareils indépendants ; cependant chaque chaudière est munie de deux prises de vapeur, afin qu'elle puisse, au besoin, alimenter l'autre machine.
Les chaudières sont timbrées à 5 kilogrammes.
La puissance varie de 5 à 10 chevaux.
L'électricité est produite par des machines magnéto-électriques capables de fournir quatre-vingt-cinq becs Carcel par cheval.
Le courant est transmis au régulateur électrique (système Serrin) par un distributeur qui permet de coupler les machines en tension ou en quantité, et de les employer chacune successivement et isolément.
La lumière normale est de quatre cents becs Carcel et peut être portée à huit cents.
La portée lumineuse des éclats est de 48,2 milles (88 302 mètres) pour un état moyen de l'atmosphère ; la portée géographique actuelle est de 21,2 milles (38 832 mètres) pour un observateur dont l'œil est élevé à 4,50m au-dessus de la mer. A la limite de cette portée géographique, le feu est visible pendant les 11/12 de l'année. La tour ne contient ni magasin, ni logement pour les gardiens. On utilise, pour ces installations indispensables, les dépendances qui servaient déjà à cet usage.
Les dépenses se sont élevées à 474776,22F.
Les travaux ont duré quatre années, de juillet 1877 à novembre 1881.