Service Central
des
Phares et Balises

 Paris, avril 1925

ANNEXE 1

 

 

 

 

Protection des phares spécialement menacés par la foudre

 

 

            En raison des incidents qui se sont produits dans certains établissements spécialement exposés aux coups de foudre, nous croyons devoir attirer l’attention des services locaux sur les moyens qui, dans une matière encore mal connue, paraissent actuellement les meilleurs pour la protection de tels phares.

            Les principes ci-après ont été partiellement extraits des résultats de l’étude d’une Commission spécialement constituée à cet effet. 

            L’efficacité d’un parafoudre à tige est indépendante de la nature du métal de la pointe (il est donc inutile selon un ancien préjugé, de constituer celle-ci en métal précieux ) : cette efficacité dépend surtout d’une conception et d’un entretien parfaits de toutes ses parties.

            Dans les bâtiments éloignés de la mer, le fer galvanisé, ou recouvert de peinture anti-rouille, plus résistant mécaniquement que le cuivre, suffisamment bon conducteur et moins tentant pour les voleurs, est recommandé pour relier la tige à la terre. En donnant au métal la forme d’un câble ou d’un ruban, on obtient une conductibilité meilleure qu’avec un fil unique de même section, mais celui-ci est moins attaquable par les agents chimiques.

            Les conducteurs doivent aller à la prise de terre en suivant le plus court chemin, en évitant les coudes brusques, et toutes les parties métalliques du bâtiment, reliées électriquement ensemble, doivent être connectées avec elle.

             Les points qui risquent le plus d’être frappés par la foudre sont, bien entendu, les sommets des tours, les pignons, cheminées, arêtes des gouttières. Si leur développement le comporte, on peut protéger ces dernières parties à l’aide de capteurs constitués par des tiges métalliques placées tous les 15 ou 20 mètres sur les points proéminents (cheminées, pignons). Plusieurs tiges courtes sont alors préférables à une seule plus longue. On  boucle de loin en loin vers le ciel, avec un diamètre de 30 cm environ, les conducteurs de faîte.

            Les sections minima sont de 50m/m2 pour les conducteurs en fer ramifiés et de 100m/m2 pour les conducteurs principaux.

            Il faut attacher la plus grande importance aux conducteurs de terre : les brins d’un câble ne doivent jamais avoir moins de 3m/m de diamètre s’ils sont en fer et 2m/m, 3 pour le cuivre.

            Les nappes souterraines offrent les meilleures prises de terre. Toute  conduite d’eau ou de gaz passant à moins de 10 mètres doit être connectée à la prise de terre.

            La vérification électrique des installations doit se porter principalement sur la résistance de mise à terre. Si cette prise de terre est constituée par des conduites d’eau ou de gaz, sa résistance doit être inférieure à 1 ohm. Pour des prises de terre construites avec des fils, des plaques ou des tubes, la résistance doit se trouver normalement comprise entre 5 et 25 ohms. Chaque prise de terre doit être formée d’un puits d’au moins 1 mètre cube contenant du coke dans lequel sont noyés une plaque ou des tubes d’une surface totale comprise entre un quart de mètre carré et un mètre carré.

            Il est prudent, en tout cas, de vérifier une fois par an la continuité électrique du circuit total jusqu’à la terre à l’aide d’un appareillage élémentaire de sonnerie, par exemple, que le subdivisionnaire peut se faire prêter au besoin par un industriel s’il n’en possède pas.

            Quelques-uns des principes énoncés ci-dessus ont été employés dans les dispositifs actuels du phare de l’Ile Vierge qui était spécialement visité par la foudre, malgré plusieurs tentatives pour le mieux protéger.

            Nous donnons ci-après, avec croquis à l’appui, le détail de ces installations.

 

 

Dispositifs spéciaux de protection du phare de l’Ile Vierge contre la foudre.

 

1° - Conducteurs de fluide extérieur. 

            Un câble de cuivre rouge AB, tressé, de 20m/m, relie la tige du paratonnerre supérieur au puits B .

            Un ruban de cuivre galvanisé de 30x2m/m relie la lanterne et, par conséquent, la tige du paratonnerre, au puits C.

            Les puits B et C, de 1m3 environ, sont remplis de coke et renferment chacun une feuille de plomb de 0m,50x0m,50 sur laquelle les câbles et rubans sont soudés.

            Un cercle de fer galvanisé MN, fixé au-dessous du parapet en maçonnerie, porte 8 tiges de fer galvanisé dont les pointes, comme celle de la tige supérieure, ont été munies de boules métalliques de 0,08 m de diamètre, afin d’empêcher que l’électricité, s’échappant par des pointes, ne produise l’ionisation de l’air, et ne donne ainsi à celui-ci une conductibilité dangereuse près de la partie supérieure de l’édifice. Sur ce cercle de fer sont scellés, en M et en N, les deux conducteurs AB et AC.

            Au pied de la tour, est placé, sous terre, un conducteur en ruban de cuivre rouge qui relie les deux conducteurs AB et AC, sur toute la périphérie de la tour.

            Du puits B repartent sous terre le câble en cuivre rouge de 20m/m et un conducteur en fil de cuivre de 8m/m allant jusqu’à la mer où ils sont noyés.

            Du puits C repartent également sous terre le ruban de cuivre galvanisé et un conducteur en fil de cuivre qui vont jusqu’à la mer où ils sont noyés.

 

2° - Conducteurs de fluide intérieur. 

            Intérieurement, la main courante en laiton est reliée à l’escalier métallique placé dans la chambre de service. Cette jonction s’effectue au moyen d’un ruban de cuivre de 30x2m/m. L’escalier est relié lui-même, à son arrivée dans la chambre de veille, aux montants de la lanterne par un ruban de cuivre.

            Au bas des escaliers de la tour, la main courante en laiton est reliée aux conducteurs AB et AC par un ruban de cuivre.

 

3° - Protection des gardiens. 

            Les gardiens sont munis de gants et de chaussures en caoutchouc qu’ils doivent mettre lorsque le temps est orageux. Des tapis en caoutchouc sont placés dans la chambre de veille.

 

4° - Téléphone. 

            La foudre avait tendance à suivre les fils téléphoniques précédemment logés dans la tour jusqu’à la lanterne.

            Le téléphone qui était dans la chambre de veille a été descendu dans la chambre de service et a été placé près d’une fenêtre aussi loin que possible des conducteurs de l’escalier. Les fils téléphoniques sortent par cette fenêtre et descendent à l’extérieur de la tour vers les logements des gardiens. Ils sont tenus le long de la tour au moyen d’isolateurs en porcelaine.

            Des parafoudres GARDY, à lame de charbon, sont placés en E, F et G. Les prises de terre des parafoudres E et F sont fixées au câble conducteur de 20m/m AB ; le parafoudre G a une prise de terre distincte au pied de la maison du gardien.

 

 

 

L’ingénieur en chef du service Central des Phares et Balises.
Signé : A DE ROUVILLE