Merci au judo club de Penmarc'h de m'avoir permis d'utiliser amicalement ce superbe logo |
Initialement prévue le 7 octobre 1897, afin de commémorer
la date d'anniversaire de la mort de la Marquise de Blocqueville,
donatrice des fonds nécessaires à la construction du phare,
l'inauguration est reportée au 17 octobre, pour raison de la grande foire
annuelle de Pont l'Abbé. C'est la conclusion de quatre années de travaux
pour bâtir le successeur de ce qui devient alors " l'ancien phare
". S'il est difficile, de nos jours, de se représenter ce que
représentait cette inauguration, les témoignages de l'époque permettent
de s'en faire une idée plus précise. En effet, l'inauguration du phare
débute le dimanche matin, à Quimper, à la gare, qui a revêtu ses
décorations de fête pour cette occasion. Si l'absence des deux ministres
de la marine et des travaux publics, Monsieur Turrel, initialement
prévue, est grandement commentée, la délégation des officiels n'en
reste pas moins importante. C'est le Baron Quimette de Rochemont,
conseiller d'Etat et représentant Monsieur Turrel, qui préside les
événements. Dans la délégation d'officiels, le représentant du
ministre de la marine, l'inspecteur général des Ponts et Chaussées,
l'ingénieur en chef du service central des Phares et Balises. La
généreuse donatrice est représentée par un jeune Saint-Cyrien, fils du
général Davout, duc d'Auerstaed et Monsieur le Myre de Vilers,
exécuteur testamentaire de la Marquise. Le cortège composé de douze
voitures se dirige vers l'hôtel de l'Epée pour le repas du midi. Celui
ci terminé, les invites reprennent le train en direction de Pont l'Abbée,
dont la gare a été aussi ornée pour la circonstance. Durant les 14
kilomètres qui séparent la " capitale " du Pays Bigouden et
Penmarc'h la foule est de plus en plus nombreuse pour apercevoir les
personnalités. A Plomeur, dernière commune avant Penmarc'h, les cloches
tintent en guise d'accueil et les curieux sont nombreux. A Penmarc'h, les
bâtiments publics sont décorés pour l'événement. A l'intérieur de la
cour du phare, des personnalités locales accueillent le cortège. Les
binious sonnent la Marseillaise. Ensuite, par petits groupes, les officiels affrontent les marches de la tour pour la visite du phare. C'est aux deux jeunes héritiers de la Marquise de Blocqueville que revient l'honneur de pénétrer en premier dans la lanterne et de donner l'ordre de faire jaillir le son et la lumière. Le vin d'honneur est servi par des jeunes filles en costumes de Pont l'Abbé, Fouesnant et Douarnenez dans la salle des machines. Vient alors le moment des discours. A cette occasion, le Comte de Vilers critique vivement avec ironie l'absence du ministre de la marine et des travaux publics et remercie les ingénieurs et tous ceux qui ont permis au phare d'exister. Ensuite, les clés du phare sont remises officiellement par Monsieur le Myre de Vilers au gouvernement de la France, représenté par Monsieur Quinette de Richemont. A l'issue de la cérémonie, l'accès de la cour du phare est laissé libre aux nombreux curieux. Les officiels retournent vers 18 h 00 vers Pont l'Abbé puis Quimper, pour un repas festif à l'hôtel de l'Epée dont voici le menu : · Potage Reine Pour la circonstance, la ville de Penmarc'h avait organisé deux jours
de fête, le dimanche 17 et le lundi 18. Les festivités débutèrent à 7
h 00 du matin par une aubade au bourg de Penmarc'h. S'ensuivirent des
courses de vélocipèdes (dotés d'un premier prix de 10 francs et d'un
cinquième prix original pour un sport, un paquet de cigarettes), un
banquet populaire le midi, pour la somme de 3 francs, puis l'après midi
des régates feront patienter l'attente des officiels, arrivés à 15 h
30. Le lendemain des courses d'avirons et de chevaux complétèrent la
fête. La fête foraine dura deux semaines. Le conseil municipal avait
alloué pour les festivités un budget de 600 francs, alors que le budget
débloqué par l'administration pour l'inauguration était de 5000 francs.
La construction du phare elle, aura coûté 610 000 francs. Voici le reproduction de deux articles d'époque :
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Illustration du 23 octobre 1897
Inauguration du phare d’Eckmühl
La cérémonie d’inauguration du phare d’Eckmühl a eu lieu dimanche dernier. Un vent violent avait soufflé toute la nuit et fait redouter de fâcheuses ondées. Ces menaces ne se sont pas réalisées, fort heureusement pour une population qu’attendait une autre déconvenue. Elle avait espéré deux ministres, puis un, puis, tout au moins, le préfet maritime : et tous ces hauts personnages, successivement, se sont trouvés empêchés. D e la pluie et pas d’amiral, c’eût été trop de déceptions à la fois.
Mais le temps était superbe, dimanche matin, quand sont arrivés à Quimper, à 9h 45, les invités de Paris. Nommons entre autres : M. Quinette de Rochemont, représentant le ministre des Travaux publics ; le capitaine de vaisseau Lefèvre, représentant le ministre le la Marine ; M. Paul Marbeau, architecte du phare ; M. le comte Vigier et un jeune Saint-Cyrien, fils du général Davout, duc d’Auerstaedt, ces deux derniers représentant la famille de la généreuse donatrice, Mme de Blocqueville. Dans l’après-midi seulement, le cortège officiel s’est rendu, par le chemin de fer, de Quimper à Pont-l’Abbé, salué, aux gares et aux passages à niveau, par les acclamations d’une foule pittoresquement endimanchée.
De Pont-l’Abbé au hameau de Saint-Pierre, à la pointe de Penmarc’h, le trajet est d’environ trois lieues à travers un plateau jonché de menhirs et de dolmens. Toute la population de la presqu’île s’est donné rendez-vous autour des pauvres chaumières grises de Saint-Pierre. Ce coin aride de la Bretagne n’a jamais vu et ne reverra pas de longtemps pareille affluence.
Nous avons dans l’Illustration de la semaine dernière décrit sommairement le phare d’Eckmühl. Sa haute tour carrée, aux angles coupés, est de belles proportions, élégante en somme bien que sévère. Dans la cour pavoisée, des joueurs de biniou attendent le cortège des invités ; à l’arrivée des voitures, la Marseillaise se fait entendre : l’effet de la Marseillaise, jouée sur des binious, est toujours un peu surprenant.
La décoration du vestibule du phare, due comme l’ensemble de la construction à M. Marbeau - c’est par erreur que nous l’avons attribuée, dans un précédent article, à M. Sanson -est d’une belle sobriété. Très imprévu est le revêtement de la cage de l’escalier, tout en briques vernissées opalescentes.
Non sans fatigue, les personnages officiels parviennent jusqu’à la lanterne, à 257 marches du sol. Après explication du mécanisme par M. Bourdelles, directeur des phares, M. Le Myre de Vilers, exécuteur testamentaire de la marquise de Blocqueville, donne le signal : une lumière puissante dont l’incomparable éclat est appréciable même au grand jour, jaillit aussitôt, tandis que la sirène pousse de profonds et rauques mugissements. Quelques minutes après tout s’arrête ; un vin d ‘honneur est servi dans la chambre des machines ; et MM. Le Myre de Vilers, Quinette de Rochemont et Cosmao-Dumenez, député, prononcent de brefs discours dans lesquels ils saluent la mémoire de Mme de Blocqueville et rendent à cette femme généreuse, dont le nom restera toujours dans le cœur des marins, l’hommage qui lui est dû.
Puis, tandis que le cortège officiel regagne Quimper, la fête populaire commence autour du phare et les danses bretonnes, jabanao et gavotte entraînent les filles et les gars de Penmarc’h , Kérity, Saint-Gwenolé, Guilvinec et autres lieux.
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Le Petit Parisien du 24 octobre1897
On vient d’inaugurer, à la pointe de Penmarc’h, dans le Finistère, proche de Quimper, le nouveau phare d’Eckmühl. Sombres rochers de Penmarc’h ! L’Océan y rugit. La Torche, séparée de la terre par le gouffre nommé le Saut-du-Moine, domine des écueils qui se prolongent à plus de quatre kilomètres du rivage. Un décret du mois de mars 1893 avait autorisé l’administration des Phares à utiliser un legs de 300 000 francs fait par Mme de Blocqueville pour élever un phare en ce point, le plus dangereux des côtes françaises. La construction est maintenant achevée, et le nouveau phare sera le plus puissant du monde. Le nom qui lui a été donné est un hommage rendu à la mémoire du maréchal Davout, prince d’Eckmühl, dont Mme de Blocqueville était la fille. On a dit que le degré d’humanité et de civilisation d’une nation maritime se mesurait volontiers au bon état de balisage de ses côtes. A ce titre, le phare d’Eckmühl marquera dans le progrès. On voit bien qu’il s’élève dans la patrie de Fresnel, d’Arago, d’Argand et de Carcel, qui ont jeté les bases en France de la construction difficile des puissantes optiques, et dont les successeurs ingénieurs ou constructeurs émérites, ont su conserver le premier rang, nous pourrions presque dire le monopole, par leur seul talent. Le nouveau phare électrique de la pointe de Penmarc’h, dont nous vous donnons une reproduction exacte d’après une photographie de M.Villard, de Quimper, est haut de 64 mètres ; il dépassera de 23 mètres l’ancien phare, dont on voit la sihouette dans notre gravure et dont les aménagements serviront de magasins pour le personnel du phare d’Eckmühl. Le feu-éclair de ce dernier est un feu à éclats, d’une durée d’un dixième de seconde, avec une éclipse de cinq secondes. Deux optiques jumelles, à quatre lentilles, réalisent ce programme lumineux. On peut s’imaginer les beaux clignements tutélaires que le phare d’Eckmühl envoie dans la nuit noire, au milieu des embruns, pendant que s’acharne la tempête. Avec un régime de 50 ampères à chacun de ses foyers électriques, l’optique d’ensemble du phare donne l’intensité lumineuse totale de 3 600 000 carcels. Or, la lampe Carcel est, on le sait, une lampe dont la mèche a 30 millimètres de diamètre et qui, la flamme étant réglée à une hauteur de 40 millimètres, brûle 42 grammes d’huile pure de colza à l’heure. C’est donc une étonnante féerie que de s’imaginer ces 3 600 000 lampes brûlant dans la nuit. L’Angleterre ne possède actuellement que quatre feux électriques analogues ; le plus important, celui de l’île de Wight, n’a qu’une puissance lumineuse de 600 000 carcels. La " portée lumineuse " du phare d’Eckmühl sera, par les temps moyens de 100 miles marins, ou un peu plus de 185 kilomètres, dépassant étonnamment la " portée géographique " de 21 miles, ou de 39 kilomètres, que limitent la hauteur du phare et la courbure de la terre ; mais au-delà, bien au-delà, les navigateurs se hâtant vers le port verront scintiller dans la nuit, au ciel, le faisceau lumineux dont les éclats lui crieront en leur langage muet, mais si bien compris : " France !…France ! "
Quel progrès on a réalisé dans la science de l’éclairage des mers depuis un siècle ! Jusqu’en 1770, les quelques phares établis sur les côtes de France étaient des tours au sommet desquelles brûlait un tas de bois à l’air libre. En 1774, ce système était encore en usage au cap de la Hève, près du Havre. C’est en 1781, et à la Hève précisément que, pour la première fois, on se servit de lampes à huile. Le premier phare électrique date de 1863, mais, au début, son intensité de lumière n’était que de 6 000 becs-carcels. En 1881, on obtenait grâce à des procédés nouveaux, une puissance de 127 000 becs-carcel pour le phare de Planier, près de Marseille. Puis, à Barfleur, à Ouessant, à Belle-Isle, d’autres perfectionnements permirent d’atteindre le chiffre de 900 000 becs-carcel. Ce chiffre déjà énorme avant été récemment plus que doublé au cap de la Hève, il est aujourd’hui plus que triplé au phare d’Eckmühl.
On comprend que ces faisceaux de lumière, la nuit, attirent les oiseaux de passage comme la lampe attire les phalènes. Dans leur vol éperdu, ces oiseaux viennent se heurter contre les verres de la lanterne et s’y brisent la tête. Morts ou blessés, on en relève, à certains moments, par centaines.
Souvent on a décrit la vie des gardiens de phares. Elle est humble, la tâche de ces braves gens, mais en est-il beaucoup de plus utiles? On a dit avec raison que le gardien des phares est un peu sur la mer ce qu’est l’aiguilleur sur les voies ferrées. Ce dernier tient dans sa main le sort des voyageurs ; en effet, qu’il accomplisse imparfaitement la besogne dont il est chargé, qu’il commette une erreur, et voilà une catastrophe ! Et que le gardien d’un phare laisse s’éteindre la lumière protectrice, aussitôt le péril que sa clarté conjurait menacera les navires, d’autant plus que ceux-ci s’avanceront avec confiance. Dans les phares isolés en pleine mer, la situation est surtout pénible. Les gardiens sont confinés sur leur îlot sans d’autres relations que celles qu’ils peuvent entretenir mensuellement avec le porteur de nourriture. Une fois par mois, en effet, un bateau arrive qui leur apporte des aliments. Quelquefois, - c’est le cas de certains phares très éloignés,- ces vivres ne sont même apportés que de trois mois en trois mois. Par les gros temps, le bateau ne peut accoster les rochers sur lesquels s’élèvent les phares en pleine mer. C’est ce qui arrive généralement au phare du Four, près d’Ouessant. Pour débarquer les vivres, on se sert de cordages qui, du phare, sont jetés au bateau. Au phare d’Ar-men, pour relever les gardiens, même par le beau temps, on doit employer un procédé semblable. Du phare, on lance une ligne de loch que, du bateau, on repêche au moyen d’un grappin au bout d’une corde. Quand c’est fait, on amarre la ligne en tête du mât de misaine, et l’on installe là-dessus, à l’aide d’un palan, un système de " va et vient ". Le gardien qui va prendre son service s’asseoit, préalablement revêtu d’une ceinture de sauvetage, sur une planchette, et il effectue son voyage aérien jusqu’à la porte du phare ; à son tour, le gardien qu’on relève accomplit ce même périlleux trajet, pendant lequel il doit se tenir vigoureusement à la corde, car plus d’une lame vient l’atteindre.
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